Festival du Film d'Histoire : C'est la fin!


Résumé succinct d'un week-end plus riche en délibération qu'en films.


Un seul en compétition, The Search, la grosse production de la sélection. En effet, dans son dernier film, le réalisateur oscarisé Michel Hazanavicius porte à l'écran avec de gros moyens la deuxième guerre de Tchétchénie. S'il ne nous épargne rien à l'écran des horreurs du conflit, la qualité du sens du récit et le montage doivent être soulignés. La grosse bévue, c'est Béjo, qui ne convient pas du tout dans son rôle d'observatrice pour l'Union Européenne. Ce film est déoupé en deux parties bien distinctes, avec un pan qui s'intéresse au quotidien et à la formation des soldats russes: rien à reprocher de ce côté là. C'est la partie qui suit le parcours d'un petit garçon et Bérénice Béjo qui pêche. Finalement, malgré une belle ambition, le film manque de souffle.


Sinon, la grosse news du week-end, c'est surtout le palmarès : 

  • Prix du Public : Le Labyrinthe du Silence de Giulio Ricciarrelli 
  • Prix du Jury Etudiant : Le Labyrinthe du Silence de Giulio Ricciarrelli
  • Prix du Jury : Le Labyrinthe du Silence de de Giulio Ricciarrelli

Comme vous pouvez le constater, beaucoup d'originalité. Le Labyrinthe du Silence, un film à voir absolument en... avril 2015!

Festival International du Film d'Histoire - Jour 5



Aujourd'hui, seulement deux films au programme, tous les deux en compétition. le visionnage répété commence à dégager des ficelles propres à chaque oeuvre, dont les explications écrites à la fin de nombreux films qui raccrochent la petite histoire à la grande. On a déjà vu des films dans 10 langues différentes, on se demande toujours si le jeu de l'acteur est différemment. Mais soit, on commence par le Labyrinthe du Silence, premier long-métrage de Giulio Ricciarelli. C'est pour l'instant le film qui nous porte le plus. Le frisson et l'émotion parcours l'histoire de ce jeune procureur allemand qui découvre des pièces essentielles permettant l'ouverture d'un procès contre d'anciens SS ayant servi à Auschwitz. Déterminé, il fera tout pour que les Allemands ne fuient pas leur passé. En racontant la genèse du "second procès d'Auschwitz", le réalisateur évoque avec force et finesse la découverte de l'horreur des camps par les Allemands. Même si le film est de facture très classique, c'est pour moi LE moment émotion du festival.

Une émotion qu'on perd avec Le Temps des Aveux de Régis Wargnier. Habitué de l'Asie du Sud, Wargnier a déjà remporté l'oscar du meilleur film étranger pour Indochine. Le Temps des Aveux se déroule au Cambodge dans les années 70. Il raconte l'histoire de l'ethnologue François Bizot, capturé par les Khmers Rouges. Accusé d'espionnage, il découvre la réalité de l'embrigadement des Khmers et tisse un lien avec son geôlier Douch. Vous connaissez sûrement Douch comme le directeur du camp S21 et acteur des atrocités qui y ont été commises. Un documentaire avait déjà été réalisé par Rithy Pahn à ce sujet : Ce dernier est producteur sur le film de Wargnier. Si le film n'est pas mauvais, il n'insiste pas assez sur l'ambivalence de la relation entre Bizot et Douch. Assez descriptif, il est alourdi par certains procédés comme la voix de Raphaël Personnaz, un peu palot dans son rôle de Bizot. 

RDV demain pour le dernier film en compétition, The Search de Michel Hazanavicius. 


Festival International du Film d'Histoire - Jour 4



4e jour, des films des films des films (et quelques interviews)


On commence par un film hors compétition, une valeur sûre : Diplomatie, de Volker Schlondorff, son dernier film. Dans ce huit clos intense adapté de la pièce de théâtre éponyme signée Cyril Gély, André Dussolier et Niels Arestrup incarnent à merveille les personnages principaux. En l’espace d’une nuit, l’un doit convaincre l’autre de sauver Paris, menacée par un ultime ordre d’Hitler à la veille de la Libération de la capitale. Alors que les huis clos ont tendance à s’affaiblir sur la fin, celui-ci conserve une tension constante grâce notamment à une mise en scène parfaitement maitrisée. Un épisode méconnu de l’histoire, à découvrir !


Après un déjeuner, retour en compétition avec le film présenté à Cannes cette année : Mr Turner, de Mike Leigh. Réalisateur déjà récompensé d’une Palme d’Or en 1996 pour Secrets et Mensonges. Ici, il réalise un biopic sur la vie du célèbre peintre anglais William Turner. La vie de l’artiste, rythmée par les voyages, est solitaire et néanmoins passionnante : Turner vit entouré de son père et de sa fidèle gouvernante, ses points d’ancrage. Son talent et son excentricité valent à celui qui est souvent décrit comme le plus grand peintre paysagiste du XIXe siècle une véritable renommée. Timothy Spall, acteur fétiche de Leigh (et aussi connu pour son rôle de Queudver dans Harry Potter tmtc), est impressionnant dans son rôle de « peintre de la lumière ». Oscillant entre bestial et poète, il a parfois des allures animales (cochon, ours, Jabba the Hutt). Même si le film est un peu long, Mike Leigh peint avec humour et grâce une tranche de vie. Certains plans qui copient des tableaux de Turner soulignent l’immense talent du réalisateur.


Et pour terminer la journée, une autre (semi) déception. On attendait avec beaucoup d’impatience le film The Cut de Fatih Akin, réalisateur de Soul Kitchen, Head-On etc… Et malheureusement il a eu les yeux plus gros que le ventre. L’histoire : en Anatolie en 1915, alors que l’armée turque s’attaque aux Arméniens, le jeune forgeron Nazaret Manoogian (Tahar Rahim) est séparé de sa femme et de ses deux filles. Rescapé du génocide, il décide de partir à la recherche de sa famille. On ne révèlera pas tous les tourments rocambolesques de ce long film. C’est presque une fresque, un périple avec un Tahar Rahim de tous les plans. Le film est dur, arrive à nous émouvoir mais trop ambitieux dans sa volonté de tout raconter. On sort avec une sensation de trop-plein, malgré de très belles séquences.


LE MAXI BONUS : dans Bobines spécial Festival, on aura le plaisir d’écouter le réalisateur Serge Avédikian et le critique de cinéma chez Positif, Pierre Eisenreich !

Festival International du Film d'Histoire - Jour 3


Au programme de la journée, 4 films dont 3 en compétition : Retour à Ithaque, Leopardi et L’Enquête.

 

     x Retour à Ithaque est le deuxième choc de ce festival. C’est un film du réalisateur français Laurent Cantet, déjà récompensé de la Palme d’Or pour Entre les Murs. Il livre encore une fois un huis clos. Tel Ulysse, roi d’Ithaque, Amadeo revient à Cuba, son île, après un long exil en Espagne. Il y retrouve quatre bons vieux amis. Une nuit de retrouvaille entre intellectuels vieillissants. L’occasion de se souvenir et de donner du sens à ce qui s’est passé dans leurs vies. Des vies qui n’auraient sans doute jamais été les mêmes si elles avaient débuté ailleurs. Alors qu’ils partagent un passé commun dont ils s’amusent, chacun fait face à une crise de conscience, et les cicatrices des péripéties vécues surgissent violemment. Dans un huis clos à ciel ouvert maitrisé, Laurent Cantet tisse un portrait complexe d’une génération meurtrie. Il invite à écouter ses « survivants Cubains » qui affrontent encore aujourd’hui les doutes, les remords et les désillusions. Extrêmement bien interprété, ce récit rappelle par sa forme, et cette bande d’amis, le film québécois de Denys Arcand, Le Déclin de l’Empire Américain.

 

     x Leopardi, de Mario Martone (Grand Prix du Jury à Cannes en 1991 pour Mort d’un mathématicien napolitain) est un film assez beau mais beaucoup trop long et décousu. L’histoire : Au XIXe siècle en Italie, Giacomo Leopardi est un enfant prodige. Issu d’une famille aristocratique, il grandit sous le regard implacable de son père. Contraint aux études dans l’immense bibliothèque familiale, il s’évade dans l’écriture et la poésie. En Europe, le monde change, les révolutions éclatent et Leopardi se libère du joug de son père ultra-conservateur. Malgré une maladie annihilante, il deviendra, à côté de Dante, le plus célèbre poète italien. Le biopic est de facture très classique, et malgré une bande-son lumineuse, il pèche dans son montage. Les ellipses illogiques rendent sa compréhension difficile. Dommage car la performance de l’acteur principal, Elio Germano, est à souligner.

 

     x L’Enquête, de Vincent Garenq. Sous titré « The Clearstream Affair », ce thriller français traite de cette affaire qui a secoué le monde bancaire au début des années 2000. Lors de la projection, Denis Robert, le journaliste qui a fait sortir l’affaire et personnage principal du film nous a décrit les rouages de cette enquête que je vous invite à découvrir. Après avoir écrit et réalisé Présumé Coupable, Vincent Garenq s’attaque à nouveau à une affaire judiciaire retentissante pour livrer un thriller efficace et assez haletant. En s’inspirant de l’histoire de Denis Robert, il explore les arcanes et rouages du pouvoir et nous conduit au cœur de la machination, du blanchiment d’argent et à la déstabilisation politique en passant par la manipulation judiciaire. Le scénario co-écrit avec Denis Robert, est clair et précis pour rendre compte des faits, à l’instar d’un documentaire mais avec la force des ressorts du cinéma et de la fiction.


Petit + : une interview du réalisateur sera disponible dans la prochaine émission de Bobines !


    x La découverte de la journée : Un, deux, trois de Billy Wilder (1961). « Le film le plus rapide du monde », tourné à Berlin en 1960, est une comédie prodigieuse, qui illustre le talent comique de Billy Wilder en filmant les aventures du directeur de l’usine Coca-Cola de Berlin-Ouest. C’est exagéré, satirique, caricatural, mais extrêmement drôle. Petite pépite à découvrir !!!

Festival International du Film d'Histoire - Jour 2

On commence cette journée par Amour Fou, un film en compétition de Jessica Hausner. Berlin, début du XIXe : dans la haute société, le jeune poète tragique Heinrich Von Kleist, frappé par la dépression souhaite mettre fin à ses jours. Il tente de convaincre sa cousine Marie, dont il amoureux de l’accompagner dans le suicide. Dans le même temps, Heinrich Von Kleist rencontre Henriette Vogel, une admiratrice… A cette étrange histoire, à la fois tragique et au bord de la comédie macabre, s’ajoute l’arrière plan historique du début du XIXe en Allemagne. L’aristocratie allemande, contrainte à devoir payer des impôts, s’inquiète de la mise en danger de ses privilèges. L’influence des idées révolutionnaires françaises bouscule cette haute société alors engoncée dans ses principes rigides et apathiques. D’ailleurs l’esthétique du film va de pair avec cette rigueur allemande. La réalisatrice attache beaucoup d’importance à l’aspect visuel de ses films, à la composition des plans. C’est clairement ce qui transparait de cette mise en scène en tableaux. C’est beaucoup trop statique autant dans le cadrage que chez les acteurs pour pouvoir susciter quoi que ce soit chez le spectateur : on se demande d’ailleurs comment le titre peut être si opposé au film… Rien à voir avec la majesté de Bright Star de Jane Campion, qui présentait un milieu similaire.


Ensuite, j’enchaine avec un classique allemand Nosferatu de Murnau sorti en 1921. C’est une des premières adaptations cinématographiques du roman Dracula de Bram Stocker. Dans cette première représentation visuelle du vampire, Nosferatu / Dracula est une vision cauchemardesque, un monstre au teint cadavérique et aux longues mains griffues dont les yeux reflètent la folie meurtrière, mais aussi un être solitaire et cadavérique. Si Nosferatu diffère physiquement des futurs Dracula (souvent élégants et séducteurs), Murnau pose déjà les bases du film de vampire : une dimension romantique et une tension entre la soif de sang et le désir sexuel. L’interprétation hallucinée de Max Shreck participe à la dimension expressionniste : Nosferatu suscite autant l’horreur qu’une dimension tragique. Petite précision, le film est muet mais comme l’indique son sous-titre allemand « Eine Symphonie des Grauens », c’est une symphonie d’horreur, donc à la fois œuvre filmique et musicale ! Le film fait réellement frissonner, d’autant que la pellicule colorisée pour différencier jour et nuit procure une sensation de surnaturel. On remarquera aussi un des premiers time lapse de l’histoire du cinéma !


Retour à la compétition avec le troisième film de la journée qui ne sortira pas non plus du lot : A la vie de Jean-Jacques Zilbermann. L’histoire : déportées à Auschwitz, Hélène, Rose et Lili se sont entraidées pour survivre. Perdues de vue à la Libération, elles se retrouvent quinze ans plus tard dans le nord de la France, à Berck-Plage. Le film est sans rythme, sans émotions, beaucoup trop coloré : on dirait un salon de voitures de collection. C’est très triste de voir après Mommy, Suzanne Clément être si mal dirigée… Bref, un sujet porteur mais mal exploité.


Après cette seconde déconvenue du jour, direction le 3e étage du cinéma pour un DJ-set directement venu de Berlin. Malgré un son de qualité, le public n’était pas au rendez-vous.


On laisse quand même le lien des ces Français installés à Berlin : https://soundcloud.com/arcarsenal

Festival International du Film d'Histoire - Jour 1

Avant même l’ouverture officielle du festival, première projection avec Le Tambour de Volker Schlöndorff, histoire d’avoir vu un film avant sa conférence inaugurale, « Mon Allemagne ». Palme d’or à Cannes en 1979 (ex aequo avec Apocalypse Now), le Tambour a été une aventure complexe, explique le réalisateur à la petite salle venue découvrir la version director’s cut du film. Comme il le raconte dans son autobiographie, le cinéaste a longuement hésité avant de porter à l’écran ce récit hors norme charrié par le style torrentiel de Gunther Grass. Tel qu’il conçoit le projet, « ce pourrait être une fresque particulière, l’histoire mondiale vue d’en bas : des images gigantesques, spectaculaires avec au centre le minuscule Oscar. On a dit de lui que c’était l’enfant monstrueux du XXe siècle. Pour moi, il a deux caractéristiques typiques de notre époque : le refus et la protestation. Il refuse le monde à tel point qu’il ne grandit plus » (Volker Schlöndorff, Tambour battant). Il faut rappeler l’histoire du film qui se déroule à Dantzig en 1924 : le jour de ses 3 ans, Oscar (incarné intensément par David Bennent) reçoit un tambour en fer-blanc et décide de ne plus grandir pour ne pas ressembler aux adultes dont il refuse le monde cruel. Mais le temps passe, et la menace nazie se fait plus pressante… Dans la nouvelle version diffusée cette semaine au festival, le tambour conjugue de manière plus poussée l’aventure du petit Oscar et les épisodes de la seconde guerre mondiale : c’est un « arc historique ». Finalement, le film est rude, très dérangeant mais apparait comme un incontournable.


Ensuite, la cérémonie d’ouverture voit défiler les personnalités politiques locales (Rousset etc) qui célèbrent toutes consensuellement l’amitié franco-allemande. Suit alors un fabuleux discours de ce cher Volker qui décrit (dans un français parfait) sa vie en France et en Allemagne. Il évoque les chocs cinématographiques qui l’ont conduit au monde du cinéma : Nuit et Brouillard d’Alain Resnais, Pour qui sonne le glas, et le cinéma de Cocteau.


Mais le meilleur de cette première journée reste le film d’Abderrahmane Sissako, Timbuktu. On se demande vraiment comment il a pu repartir bredouille du festival de Cannes cette année… Le sujet du film : Tombouctou est tombé sous le joug des extrémistes religieux. Les habitants subissent, impuissants, le régime de la terreur des djihadistes. Non loin de là, Kidane, un éleveur touareg, entouré de sa femme, de sa fille et de son petit berger, semblent épargnés et mènent une vie paisible jusqu’au jour où tout bascule… Avec ce nouveau long-métrage, Sissako signe un témoignage d’une force et d’une beauté sans pareille sur un sujet d’actualité effroyable : la domination djihadiste au Nord-Mali. Parce qu’il déplore un monde qui devient « indifférent à l’horreur », il a choisi de raconter le combat silencieux et digne, la souffrance et la résistance de femmes et d’hommes sans armes contre la terreur exercée et les crimes commis par les djihadistes. L’intention est claire, le message (presque) politique et le film, violent et poétique, exalte la beauté et la lumière des lieux et des personnages. C’est en quelque sorte une implacable logique de banalité du mal qui s’applique divinement sur l’indolence des sables maliens.


Le festival commence donc très fort !

Au programme de demain : Amour Fou de Jessica Hausner et A la vie de Jean-Jacques Zibermann.

 

Victor Courgeon