Rambo Last Blood, par Baptiste Lebret

Lorsque l'on parle de Sly, deux personnages reviennent immanquablement en tête, tant leur interprète s'est fondu dans leur peau en y mélant multiples éléments de son propre vécu : Rocky Balboa, et John Rambo. Et tous deux eurent droit à leur potentiel «film d'adieu» en l'espace de deux ans : après 5 films Rocky et 3 films Rambo à la qualité variable, les deux sagas mythiques de l'action movie semblent trouver une fin dans Rocky Balboa et John Rambo, respectivement sortis en 2006 et 2008.

Seulement voilà. Dans les deux cas, il n'en fut rien, et si l'on fut agréablement surpris par le retour de l'étalon italien dans Creed, peut-on en dire autant pour Rambo ?

La saga des Rambo a présenté au fil de ses films différentes visions du personnage : dans le premier film sorti en 1982, Rambo (ou First Blood aux Etats-Unis, comme c'est astucieux), on découvrait l'ex Béret Vert John Rambo, vétéran de la Guerre du Viet-Nam et souffrant d'un sérieux syndrome post-traumatique. Vagabond et paria, il erre dans une Amérique qui le stygmatise, puisqu'il est considéré comme responsable de la plus grande défaite de l'Histoire américaine. Le film est juste sur son propos, et le grand Stallone insuffle à son personnage la même humanité qu'il a accordé à Rocky. Malheureusement, les deux films suivants sont d'un autre goût : les années Reagan passent par là, et le soldat paumé, rejeté par son pays, est finalement engagé par celui-ci pour mener des guerres dans le monde. Il devient un symbole de badassitude américaine, dénaturant le réel message du premier film. Il faut attendre Rambo IV, ou John Rambo, pour assister à un retour aux sources, qui, même si maladroit et entaché par l'esprit des films précédents, offre un beau final pour le soldat. On le voit lors d'une scène quasi-onirique revenir dans son Arizona natal, où on espère qu'il coulera des jours heureux jusqu'à... Rambo : Last Blood.

On découvre un Rambo âgé, vivant auprès d'une vieille amie mexicaine et de sa petite fille, Gabrielle, pour qui le vieux soldat occupe une figure paternelle, cette dernière ayant été abandonnée par son père suite à la mort de sa mère. Le tableau est posé : Rambo ne vit pas dans la maison mais dans un réseau de tunnels construits sous le ranch, où l'on découvre une merveilleuse petite collection d'armes à feu, ainsi que le passe-temps du warrior, le forgeage de couteaux. C'est un premier élément intéressant, car il montre qu'il y a encore une histoire à raconter sur le personnage, qu'il y en aura toujours une. Peut-être pas nécessairement un deuxième épilogue, mais le voir en proie à ses traumatismes passés, errant dans ses tunnels, est juste une première indication que, oui, il y a matière à faire, car le happy ending n'a jamais eu lieu.

La suite de l'intrigue s'enchaîne rapidement, multipliant les scènes oubliables et les personnages peu marquants, le film s'assumant de manière évidente comme une sorte de spin-off de la saga : seul

importe le moment brutal de la mort de Gabrielle, séquestrée lors de scènes de prostitutions particulièrement violentes, alors qu'elle était sur le point d'être ramenée auprès de sa grand-mère.

Une fois passées les scènes banales d'adieu et de discours pseudo-émouvants, le film termine d'amener le spectateur vers ce à quoi la montée de violence intense et progressive du film (dont un splendide pétage de clavicule, parce que OUI.) le destinait : la boucherie finale, grandiose apothéose de la simple, et honnête, histoire de vengeance que nous montre le film.

Les assaillants deviennent des proies : elles errent dans le labyrinthe de tunnels, les mêmes où Rambo fut confronté à ses atroces souvenirs de guerre. Les pièges concoctées par le Minotaure se referment sur les sacrifiées dans un bain sanglant de violence, de la même manière que le monstre n'échappe pas au retour de son passé.

L'affrontement final entre l'ex-Béret Vert et le chef du cartel mexicain finit par prendre sens : comme Rambo échappant à la guerre, il s'échappe des tunnels sur le point d'exploser («suis les lumières, si tu veux vivre»), et comme Rambo, il se fait rattraper par ce qu'il a cherché à fuir : la mort. Et ainsi se termine Last Blood, John Rambo contemplant avec regret son ranch, devenu un champ de bataille : la guerre ne l'a jamais quitté.

Le film est bien évidemment maladroit : les monologues de Sly peinent à convaincre, tous les clichés du cartel mexicain sont cochés, révélant une fois de plus l'américanisation du film peut être trop importante... Mais le film l'assume, et de par sa durée, ne se concentre que sur les éléments dignes d'intérêt vus plus haut.

Finalement, on peut être certain que ce film n'était pas nécessaire. Qu'est-il au juste ? La dernière dernière guerre d'un soldat brisé ? Une énième bataille testostéronée dans la filmographie de Sly? Qu'importe. Ce qu'on finit par comprendre du film, c'est que notre Rambo ne trouvera du repos que lorsque le dernier sang aura coulé...le sien.